• CLEOPATRE VII

     

    Cléopâtre est née au cours de l'hiver -69/-68 probablement à Alexandrie. Elle appartient à la dynastie des Lagides, dynastie macédonienne qui gouverne l'Égypte depuis la fin du IVe siècle av. J.-C. Cléopâtre est l'une des trois filles (connues) du roi d'Égypte Ptolémée XII Aulète, et vraisemblablement d'une concubine, puisque Strabon affirme que Ptolémée XII n'eut qu'une seule fille légitime, Bérénice IV, qui régna de -58 à -55.

    De toute manière être une fille naturelle, si c'est le cas, n'est pas un handicap, Ptolémée XII étant lui-même un fils illégitime de Ptolémée IX, mais elle entretient le mystère sur les origines maternelles de Cléopâtre, avec l'hypothèse d'une ascendance égyptienne. C'est l'un des facteurs, outre le fait qu'elle parle égyptien, qu'avancent certains historiens pour expliquer le curieux titre de la reine, philopatris (« qui aime sa patrie »), lequel surprend dans une dynastie qui privilégie plutôt les liens dynastiques (« qui aime son père… sa mère… sa sœur… », etc.) que l'attachement aux pays et aux peuples qu'elle gouverne. Mais peut-être ne faut-il y voir qu'une attention plus marquée, rare chez ses prédécesseurs si l'on excepte Ptolémée VIII dit Physcon, à l'Égypte indigène. À moins que philopatris n'évoque l'origine macédonienne de la dynastie lagide. Une autre hypothèse consiste à dire que cette « patrie » n'est autre qu'Alexandrie, ce qui insisterait sur le fait que Cléopâtre est une « <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/Creole" title="Creole"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>créole » macédonienne et non pas une Égyptienne : en effet, Alexandrie (fondation d'Alexandre le Grand) est alors considérée comme extérieure et indépendante de l'Égypte à laquelle elle n'est réunie que du fait de ses souverains.

    Il est difficile de cerner la véritable personnalité de Cléopâtre, qu'un certain romantisme a contribué à déformer, mais elle possède à l'évidence beaucoup de courage et se révèle suffisamment puissante pour inquiéter les Romains.

    Aucune source sûre ne vient nous éclairer sur son aspect physique qui échappe à un classement esthétique banal. Le buste de Cherchell (ci-contre), réalisé bien après sa mort, à l'occasion du mariage de sa fille, Cléopâtre Séléné, avec le roi Juba II de Maurétanie, est idéalisé. Certains auteurs antiques insistent sur sa beauté presque divine. Les quelques pièces de monnaies en notre possession donnent l'image d'une femme aux traits lourds et au nez assez proéminent. Nous savons qu'elle a une présence forte et du charme, qu'elle dégage une puissante séduction et que cela est complété par une voix ensorcelante ainsi qu'un esprit brillant et cultivé.

    Le testament du roi Ptolémée XII, mort en mars -51, désigne comme ses successeurs Cléopâtre et un frère cadet de celle-ci, Ptolémée XIII, d'une quinzaine d'années environ, à qui elle est nominalement mariée car selon la coutume ptolémaïque, elle ne peut régner seule.

    Alors que l'éducation des filles, même de familles royales, est négligée dans le monde grec ou hellénistique, Cléopâtre bénéficie apparemment de l'enseignement de pédagogues cultivés. Plutarque insiste sur ses qualités intellectuelles. C'est ainsi que Cléopâtre est une véritable polyglotte et parle, outre le grec, l'égyptien (première et dernière de sa dynastie à faire cet effort encore qu'il y ait un doute pour Ptolémée VIII dit Physcon !), l'araméen, l'éthiopien, le mède, l'arabe, sans doute aussi l'hébreu ainsi que la langue des Troglodytes, un peuple vivant au Sud de la Libye. De tels dons ne la laissent sans doute pas longtemps démunie face au latin, encore que des Romains aussi cultivés que César parlent un grec parfait.

    Quelles étaient les intentions de César en débarquant en Égypte ? Il est difficile de se prononcer clairement. Il y a des raisons politiques, César ayant certainement l'intention d'annexer l'Égypte, mais aussi des raisons plus privées, bien qu'il évoque les vents contraires pour différer son retour. En effet, il tente d'obtenir le remboursement de dettes que Ptolémée XII avait contractées auprès d'un banquier romain et qu'il a reprise à son compte. Il juge pour cela indispensable de réconcilier le couple royal et tente à s'y employer à la fin de l'année -48. Les deux souverains sont convoqués au palais royal d'Alexandrie. Ptolémée XIII s'y rend après diverses tergiversations ainsi que Cléopâtre. Celui-ci tente d'imposer le « statu quo ante », c’est-à-dire le retour au testament de Ptolémée XII, ce qu'accepte Cléopâtre mais pas son frère, guère impressionné par les faibles effectifs de César (environ 7 000 hommes). Celui-ci se retrouve même prisonnier à Alexandrie à la fin de -48, sans renforts. Seule la noyade de Ptolémée XIII dans le Nil le 15 janvier -47 met fin au conflit.

    Aux yeux de la morale romaine, Cléopâtre reste la prostituée de César. Même si elle est reine ou déesse en sa demeure, elle incarne une conquête romaine ou une esclave qui ne doit pas offrir de descendance à César. Pline la surnommera même la « regina meretrix », la reine putain. De nombreuses lampes à huile sont illustrées de scènes la caricaturant. On la voit ainsi s’accoupler avec un crocodile en tenant une palme de victoire.

    Au début de l'année -44, César est assassiné. Profitant de la situation confuse qui s'ensuit, Cléopâtre quitte alors Rome à la mi-avril, fait escale en Grèce, puis fait voile vers Alexandrie où elle arrive en juillet -44. Elle se met à rétablir l'autorité de l'Égypte sur <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/%C3%8Ele_de_Chypre" title="Île de Chypre"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Chypre, qui avait été cédée à Rome par Ptolémée XII en -59.

    À peine de retour dans son pays, elle fait assassiner Ptolémée XIV, à la fois monarque inutile et rival potentiel. La naissance de son fils lui assure un successeur éventuel et elle prend donc seule le titre de reine.

    Dans le partage du monde romain intervenu après l'écrasement des républicains, l'orient est dévolu à Antoine. Il reprend alors le projet de César avant sa mort, c'est-à-dire une grande expédition contre les Parthes. Pour cela, il convoque les souverains des royaumes clients à Tarse, en Cilicie, y compris la reine d'Égypte. Celle-ci connaît au moins un des défauts de l'officier, sa vanité et son amour du faste, aussi arrive-t-elle dans un navire à la poupe dorée et aux voiles pourpres, siégeant sous un dais d'or entourée d'un équipage déguisé en Nymphes, Néréides et Amours. Puis elle invite Marc Antoine à son bord pour un somptueux banquet. Commence alors une liaison de dix ans, sans doute l'une des plus célèbres de l'Histoire même s'il est difficile de savoir quelle est la part de calcul dans l'attitude d'Antoine, lequel a besoin de l'Égypte pour ses projets.

    Dans un premier temps, Marc Antoine suit Cléopâtre à Alexandrie, où il passe l'hiver -41/-40, laissant son armée. C'est à ce moment qu'une vaste offensive des Parthes leur permet de s'emparer de la Syrie, du sud de l'Asie Mineure, et de la Cilicie. Marc Antoine mène une courte contre-offensive depuis Tyr puis est obligé de rentrer à Rome (été -40) où s'affrontent ses partisans et ceux d'Octave. Il conclut avec ce dernier la paix de Brindes en octobre -40 et épouse sa sœur, Octavie. Pendant ce temps à Alexandrie Cléopâtre accouche de jumeaux : un garçon Alexandre Hélios, et une fille Cléopâtre Séléné.

    La séparation dure trois ans.

     En -37/-36, Cléopâtre accouche d'un troisième enfant du couple, Ptolémée Philadelphe.

    Les relations avec Octave s'enveniment en -32 et l'affrontement devient inévitable. Nul doute qu'Octave craint Marc Antoine et sa popularité, encore forte au Sénat, mais le triomphe d'Antoine en -35 et la désignation de Ptolémée XV/<a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/C%C3%A9sarion" title="Césarion"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Césarion comme roi des rois lui font envisager un danger plus vaste encore. Après tout, ce jeune homme est le seul fils de César et il pourrait un jour lui venir l'idée, si les circonstances s'y prêtent, de venir réclamer son héritage paternel. Aussi Octave va s'employer à dénigrer Marc Antoine par tous les moyens et surtout Cléopâtre, l'Égyptienne, celle qui le tient sous ses charmes et qui l'oblige à des abandons qu'Octave estime désastreux pour Rome. La plupart de ces accusations sont de mauvaise foi et de la propagande auprès de l'opinion publique romaine mais sont aussi pour beaucoup à l'origine de la « légende noire » de Cléopâtre chez nombre d'auteurs antiques comme <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/S%C3%A9n%C3%A8que" title="Sénèque"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Sénèque et Pline l'Ancien. Cléopâtre est rendue responsable de la guerre et la propagande d'Octave n'hésite pas à affirmer qu'elle souhaite régner sur Rome.

    La guerre voit l'Égypte fournir une part importante de l'effort de guerre, plus de 200 trières, ainsi que les royaumes alliés, à l'exception notable de l'habile Hérode qui visiblement fait le pari d'une victoire d'Octave. Il est vrai que c'est son intérêt car la reine d'Égypte lorgne sur son royaume depuis fort longtemps. Mais Marc Antoine, alors qu'il dispose des troupes les plus aguerries et de la supériorité numérique mène la guerre en dépit du bon sens, sans énergie et alors qu'Octave peine à constituer son armée il lui laisse le temps de s'organiser. De plus l'implication de Cléopâtre dans le conflit est mal perçue par les officiers qui entourent Antoine, en particulier les anciens républicains, assassins de César, qui se sont ralliés à lui. Ainsi Domitius Ahenobarbus refuse absolument de saluer Cléopâtre de son titre de reine et finit par faire défection. Cette hostilité viscérale de certains Romains à la monarchie, qui éloigne d'Antoine de nombreux hommes de valeur, n'est pas comprise par les historiens de culture grecque des siècles suivants, qui ne font guère la différence entre la dictature de César, le Triumvirat et le principe monarchique des autres peuples. Cléopâtre connaît d'ailleurs cette hostilité et ne quitte pas Marc-Antoine de toute la préparation du conflit. Elle est présente à Éphèse, à Athènes puis à Patras. Plus lucide que les officiers d'Antoine, elle comprend fort bien qu'Octave ne la dénonce que pour mieux miner le prestige d'Antoine encore important au Sénat.

    Octave n'est pas un grand chef de guerre mais il compte avec Agrippa, un officier compétent qui lui donne rapidement l'avantage. Lorsqu’éclate la bataille navale d’Actium (septembre -31), Cléopâtre anticipe rapidement l'issue finale de la guerre et rompt le combat avec sa flotte. Cette fuite, seul moyen de sauver ce qui peut l'être, est évidemment exploitée par Octave auprès des officiers et des hommes d'Antoine dont beaucoup changent d'allégeance.

    Vers août -30 Octave arrive à Alexandrie. À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre, Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Celle-ci est conduite devant Octave, qui la laisse se retirer avec ses servantes. Cette attitude est curieuse de la part du futur Auguste car il semble ne prendre aucune précaution pour prévenir un suicide de la reine, dont il a pourtant besoin pour figurer à son triomphe. Craint-il qu'à l'instar de sa sœur Arsinoé, figurant au triomphe de Jules César en -46, elle n'inspire aux <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/Romains" title="Romains"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Romains que compassion plutôt que haine ? Il n'est pas impossible qu'Octave ait espéré le suicide de Cléopâtre, qui pouvait passer pour une lâcheté supplémentaire, accréditant la thèse défendue par sa propre propagande. Cela dit il est difficile de connaître la vérité. Suétone en effet affirme qu'Octave au contraire souhaite maintenir la reine en vie et qu'il tente de la faire sauver.

    Plutarque dresse un récit saisissant et mélodramatique du suicide de la reine. Avec ses deux plus fidèles servantes, Iras et Charmiane, Cléopâtre se donne la mort, le 12 août -30, en se faisant porter un panier de figues contenant deux <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/Naja_haje" title="Naja haje"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>aspics venimeux. Cette version est la plus courante. Pour E. Will, ce serait peut-être une nouvelle preuve de l'attachement de la reine aux traditions égyptiennes car la morsure de l’uræus passait pour conférer l'immortalité. D'autres historiens, comme M. Le Glay, ont souligné les invraisemblances de ce récit, qui serait un nouvel avatar de la propagande octavienne. En effet, il néglige l'âge de Cléopâtre (39 ans) et le fait qu'elle avait alors quatre enfants. Si <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/C%C3%A9sarion" title="Césarion"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Césarion est exécuté sur ordre d'Octave, les trois autres enfants d'Antoine et Cléopâtre sont emmenés à Rome et élevés par Octavie, restée fidèle à la mémoire de son mari. <a-redirect href="http://www.kazeo.com/wiki/Cl%C3%A9op%C3%A2tre_S%C3%A9l%C3%A9n%C3%A9_(II)" title="Cléopâtre Séléné (II)"></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect><a-redirect></a-redirect>Cléopâtre Séléné épouse plus tard le roi et savant berbère Juba II de Maurétanie, comme elle orphelin de guerre élevé à Rome, ce à quoi nous devons le beau buste de Cherchell qui représente sa mère. On ne sait pas ce que devint Alexandre Hélios, qui survécut peut-être dans l'obscurité.


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